Mise en jardin
Venant d’un pays pour qui la notion d’hospitalité relève du sacré, il me fallait repenser la manière avec laquelle le théâtre s’ouvre à son territoire et aux humains qui ont à le fréquenter.
Wajdi Mouawad
croquis Gilles Clément
Un théâtre est un espace où la parole prend une fonction différente de celle de l’espace urbain, voilà pourquoi il importe de penser l’hospitalité en lien avec l’idée d’une parole sacralisée, déviée, libérée…
Comment accueillir celui qui se dirige vers le théâtre, depuis la place Gambetta et les rues adjacentes, se présente devant le bâtiment et, avant même d’y pénétrer, comment le bâtiment devrait-il lui apparaître ?
C’est autour de ces préoccupations qu’est né le projet de végétalisation du théâtre et de la rue Malte-Brun. En collaboration avec la Mairie du 20e arrondissement, la rue et les trottoirs seront partiellement plantés d’essences adaptées à l’environnement urbain – possiblement prises dans le cimetière du Père-Lachaise voisin – et des plantes grimpantes s’élèveront le long des colonnes du bâtiment, rappelant ainsi ce qu’est une colline.
Ce projet a l’ambition de redessiner l’image du lieu et affirmer l’esprit de convivialité, accessibilité et hospitalité. La multiplication des actions en faveur de la diversité et du vivre ensemble est l’un des points forts des nouvelles propositions faites aux publics. Fréquenter le théâtre car il est national et public, la propriété de tous, mais aussi car il est accueillant ; il s’ouvre vers l’autre, vers le différent. Mais cela aussi, grâce à l’implication d’associations du quartier, pour permettre des rencontres engagées et accueillir des ateliers, des scolaires (aides aux devoirs en fin de journée, leçons d’alphabétisation).
L’aspect environnemental de ce projet doit également permettre la maîtrise des consommations d’énergie. Son entretien doit être à la fois professionnel et ouvrir à la transmission vers la jeunesse des savoirs et des méthodes. Redessiner les contours du théâtre, c’est redéfinir le lien avec le public.
Cette mise en jardin permettra d’accueillir :
• les 150 associations du quartier et des territoires limitrophes qui participent aux ateliers du théâtre,
• les 600 jeunes qui bénéficieront de l’aide aux devoirs et au soutien scolaire
• les 2000 jeunes qui profiteront du web café et des équipements dédiés
• les 80 000 spectateurs qui fréquentent ce lieu annuellement
L’équipe de La Gamelle des Cheffes, bar-restaurant solidaire, s’inscrit également dans cette démarche d’ouverture. Au-delà de l’accompagnement de l’activité du théâtre, l’ambition est d’élargir leur présence dès la fin d’après-midi, pour que les habitants des environs viennent s’y désaltérer, s’y ressourcer et s’approprient l’espace.
Colline, promontoire, élévation, territoireoù l’on s’évade, d’où l’on résiste, lieu d’où l’on voit. Plus accessible qu’une montagne, plus chaleureuse qu’une plaine, la colline appartient davantage aux humains qu’aux Dieux. Il s’agit d’un lieu unique, d’autant plus quand un théâtre en porte le nom.
Un jardin pour relier l’extérieur à l’intérieur. Faire de la rue une invitation au théâtre en défaisant les frontières qui les séparent. Lier la rue au théâtre comme un refus d’exclure, une invitation à la rencontre.
Comment dire l’hospitalité et comment, une fois à l’intérieur, découvrir la poésie de l’accueil ? Un paysage s’ouvrant grâce à la rencontre entre l’architecture du lieu et sa mise en jardin.
Éprouver le désir de vouloir y rester. Comme en une clairière inattendue. Si l’on fabrique ici du théâtre, on peut aussi profiter du thé vert et du wifi en accès libre, on peut s’asseoir et se détendre, découvrir des documentations dédiées et utiliser les tablettes interactives sur les tables mobiles de médiation, on peut y lire, journaux et livres mis à disposition, étudier aux tables installées au milieu des végétaux et des minéraux, y trouver un espace d’échange.
Gilles Clément est engagé dans une démarche qui allie la poésie du jardin à une vision politique du paysage. Appelée jardin de résistance cette démarche redonne ses chances à une manière de vivre qui consiste à se réapproprier un lien sain au monde en s’y incluant sans s’en exclure.
Par jardin de résistance il faut entendre l’ensemble des espaces publics et privés où l’art de jardiner se développe selon des critères d’équilibre entre la nature et l’homme avec le souci de préserver tous les mécanismes vitaux, toutes les diversités – biologiques ou culturelles – dans le plus grand respect des supports de vie et dans le plus grand souci de préserver le bien commun et l’humanité tributaire de ce bien commun. À travers les jardins de résistance se défi nit un art de vivre qui ne concerne pas seulement la question du jardin mais, d’une façon globale, le rapport de l’homme à son environnement social et biologique.
C’est à la lecture de cette conviction entêtée vers le bien, qu’est apparue l’évidence du lien avec la vision que je désire ardemment apporter à La Colline. J’ai été bouleversé par la jonction si étroite entre la puissance de ses énoncées théoriques et leurs incarnations concrètes dans les paysages et les jardins qu’il a rêvés.
Il y a un proverbe africain qui dit : Sorcier, ne te contente pas de me parler de la pluie, mais fais pleuvoir aussi. Si ce proverbe est vrai, alors on pourrait dire que Gilles Clément est un grand sorcier. Il fait pleuvoir sous forme de jardin les rêves qui le hantent. C’est cette émotion, née de ma rencontre avec son travail, qui m’a naturellement donné envie de l’inviter à prendre en charge la conception artistique de la mise en jardin de La Colline.
W. M.
Contacts
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