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La Colline - théâtre national

Les spectacles de septembre 2017 à décembre 2018

Les spectacles de 2019

Spectacles passés

du 27 Septembre au 7 Octobre 2017 Grand Théâtre

texte Mohamed El Khatib

conception, réalisationMohamed El Khatib et Fred Hocké

avec
une soixantaine de supporteurs du Racing Club de Lens
avec le Festival d’Automne à Paris et le Théâtre de la Ville

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du 11 au 22 Octobre 2017 Grand Théâtre

texte, mise en scène, images
Jan Lauwers & Needcompany

avec
Grace Ellen Barkey, Jules Beckman, Anna Sophia Bonnema, Hans Petter Melø Dahl, Benoît Gob, Maarten Seghers, Mohamed Toukabri, Elke Janssens, Jan Lauwers
spectacle en anglais, arabe, français, néerlandais, norvégien, tunisien surtitré en français

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du 20 Septembre au 19 Octobre 2017 Petit Théâtre

texte, mise en scène et peintures
Valère Novarina

avec
Dominique Pinon
création à La Colline
représentations supplémentaires les 17, 18 et 19 octobre
L'Homme hors de lui crédit Simon Gosselin

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du 8 Novembre au 2 Décembre 2017 Petit Théâtre

texte Annick Lefebvre

mise en scèneAlexia Bürger

avec
Marie‑Ève Milot
création à La Colline
spectacle en québécois
Les Barbelés © Simon Gosselin

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du 6 au 29 Décembre 2017 Petit Théâtre

parole Sébastien Barrier

musiqueNicolas Lafourest

avec
Sébastien Barrier, Nicolas Lafourest
spectacle tout public à partir de 10 ans
Gus © Caroline Ablain

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les 23 et 30 décembre Grand Théâtre

de Sébastien Barrier

avec
Sébastien Barrier
Savoir enfin qui nous buvons © Angelique Lyleire

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du 19 au 28 Janvier 2018 Grand Théâtre

d' Elfriede Jelinek

mise en scèneKatie Mitchell

avec
Jule Böwe, Cathlen Gawlich, Renato Schuch, Maik Solbach
spectacle en allemand surtitré en français
Schatten © Gianmarco Bresadola

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du 17 Janvier au 11 février 2018 Petit Théâtre

de Julien Gaillard

mise en scène et scénographieSimon Delétang

avec
Rémi Fortin, Julien Gaillard, Frédéric Leidgens
création à La Colline
La Maison © Simon Gosselin

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du 6 au 18 février 2018 Grand Théâtre

de Doug Wright

mise en scène et espace scéniqueJean-Pierre Cloutier, Robert Lepage

avec
Pierre‑Yves Cardinal, Érika Gagnon, Pierre‑Olivier Grondin, Pierre Lebeau, Robert Lepage, Mary‑Lee Picknell
spectacle à partir de 16 ans
Quills © Stephane Bourgeois

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du 6 Mars au 1er Avril 2018 Petit Théâtre

de Christine Angot

mise en scèneRichard Brunel

avec
Emmanuelle Bercot, Valérie de Dietrich, Noémie Develay‑Ressiguier ou Julie Pilod, Jean‑Pierre Malo et Djibril Pavadé
Dîner en ville © Jean-Louis Fernandez

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du 14 Mars au 12 Avril 2018 Grand Théâtre

texte et mise en scène
Wajdi Mouawad

avec
Emmanuel Besnault, Maxence Bod, Mohamed Bouadla, Sarah Brannens, Théodora Breux, Hayet Darwich, Lucie Digout, Jade Fortineau, Julie Julien, Maxime Le Gac‑Olanié, Hatice Özer, Lisa Perrio, Simon Rembado, Charles Segard‑Noirclère, Paul Toucang, Étienne Lou, Mounia Zahzam, Yuriy Zavalnyouk, et , Inès Combier, Aimée Mouawad, Céleste Segard (en alternance)
création à La Colline
représentation supplémentaire le jeudi 12 avril à 20h30
Notre innocence de Wajdi Mouawad / crédit Simon Gosselin

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du 2 au 26 Mai 2018 Grand Théâtre

d' Alexandra Badea

mise en scèneAnne Théron

avec
Liza Blanchard,  Judith Henry,  Nathalie Richard et Maryvonne Schiltz
À la trace © Jean-Louis Fernandez

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du 3 au 19 Mai 2018 Petit Théâtre

d'après le texte de
Claudine Galea

mise en scèneBenoît Bradel

avec
Raoul Fernandez, Émilie lncerti Formentini, Emmanuelle Lafon, Seb Martel, Séphora Pondi
Au Bois - crédit : Jean-Louis Fernandez

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du 9 Novembre au 1er Décembre 2018 Petit Théâtre

texte et mise en scène
Anaïs Allais

avec
Anaïs Allais, Méziane Ouyessad, François Praud
Au milieu de l'hiver, j'ai découvert un invincible été

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du 31 Mai au 14 Juin 2018 Grand Théâtre

texte, mise en scène, conception scénographique, visuelle et sonore
Vincent Macaigne

avec
Sharif Andoura, Candice Bouchet, Pauline Lorillard, Vimala Pons, Rodolphe Poulain, Hedi Zada , et Madeleine Andoura, Nina Béros et Lila Poulet en alternance
spectacle déconseillé aux femmes enceintes et aux personnes épileptiques

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du 31 Mai au 14 Juin 2018 Grand Théâtre

conception et texte
Vincent Macaigne

avec
Sharif Andoura, Candice Bouchet, Pauline Lorillard, Vimala Pons, Rodolphe Poulain et Hedi Zada
pendant les représentations de "Je suis un pays" pour un deuxième groupe de spectateurs

spectacle déconseillé aux femmes enceintes et aux personnes épileptiques

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du 19 Septembre au 14 Octobre 2018 Petit Théâtre

texte et mise en scène
Alexandra Badea

avec
Amine Adjina, Madalina Constantin, Kader Lassina Touré, Thierry Raynaud, Sophie Verbeeck et Alexandra Badea
création à La Colline

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du 20 Septembre au 20 Octobre 2018 Grand Théâtre

texte Léonora Miano

script et mise en scèneSatoshi Miyagi

avec
Haruyo Suzuki paroles,  Micari mouvements Inyi , Kazunori Abe Kalunga , Maki Honda Mayibuye, Ayako Terauchi, Moemi Ishii, Miyuki Yamamoto , Kouichi Ohtaka Ubuntu , Kenji Nagai, Ryo Yoshimi, Hisashi Yokoyama, Les Ombres : Miki Takii Ofiri,  Soichiro Yoshiue Muenikongo Makaba,  Yukio Kato Damel Bigue,  Yudai Makiyama Janae Big Chief,  Yuya Daidomumon Rascal
création à La Colline
spectacle en japonais surtitré en français

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du 8 au 30 Novembre 2018 Grand Théâtre

du 5 au 30 Décembre 2018 Grand Théâtre

texte et mise en scène
Wajdi Mouawad

avec
Jalal Altawil, Jérémie Galiana et Daniel Séjourné (en alternance), Victor de Oliveira, Leora Rivlin,  Judith Rosmair et Helene Grass (en alternance), Darya Sheizaf, Rafael Tabor, Raphael Weinstock, Souheila Yacoub et Nelly Lawson (en alternance)
spectacle en allemand, anglais, arabe, hébreu surtitré en français
création à La Colline
Photo Tous des oiseaux de Wajdi Mouawad

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du 11 au 23 Décembre 2018 Petit Théâtre

texte et mise en scène
Pauline Bureau

avec
en alternance, Camille Bernon,  Yann Burlot, Nicolas Chupin, Lionel Codino,  Camille Garcia,  Alban Guyon,  Géraldine Martineau, Murielle Martinelli, Marie Nicolle
spectacle jeune public à partir de 8 ans
Dormir cent ans

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du 17 au 17 Décembre 2018

direction musicale
Eleni Karaindrou

avec
vingt musiciens et voix   
Photo d'Eleni Karaindrou

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Manifeste 2019

On peut dire aussi de notre temps qu’il est celui de « l’opinionisation»: tout un chacun tient à avoir des idées sur tout et ne démordra pas de sa « petite opinion» qui vaut bien celle de son voisin, voire du spécialiste. Rares sont les gens qui se donnent la peine de s’informer sur un problème et encore moins d’y réfléchir, mais cela n’empêche personne de tenir que tout problème, si ardu soit-il, peut être réduit à une alternative extrêmement simple du ressort du « sens commun ». […] On voit ainsi se constituer une forme de liberté plus peureuse encore que celle qui esquive les prises de position politique au nom d’un scepticisme douteux ou que celle qui conduit au repli sur soi. Le degré suprême de la démission est atteint avec l’invocation de la «liberté» comme justification du refus total de s’engager et de se risquer sur quoi que ce soit au-delà du petit périmètre de la vie quotidienne et de sa petite opinion. Si le principe que « tout se vaut » procède de la maxime traditionnelle qu’« il faut vivre sa vie », il lui donne une portée toute nouvelle : l’ouverture d’esprit est aujourd’hui devenue un gouffre béant.

La Culture du pauvre
Richard Hoggart, 1970

Nous voici, pour beaucoup, devenus la propriété des villes. Dès notre naissance, le monde urbain nous domine quand nous pensons le contraire. Dans nos villes occidentales, rien qui ne soit décidé par une autorité administrative : tels arbres le long de telles voies, tels espaces verts, tels travaux dans telles rues, telles canalisations, nombre approximatif de pigeons, périmètres, cadastres, réseaux souterrains, surfaces des terrasses, hauteurs des trottoirs, teinte des réverbères, positionnement des poubelles, mobilier urbain. Rien qui ne soit voulu, pensé, étudié spécifiquement, adossé à une législation. Dans ces villes, nulle chance de tomber sur un figuier sauvage, un champignon inattendu, nulle chance de croiser une bête inapprivoisée ou un minéral n’appartenant à personne, rocher à tête de singe

Nous sommes esclaves d’une administration vorace dont nous croyons être les maîtres. Nous nous sommes tant éloignés des clairières où les choses s’ordonnent selon une

que, pour un grand nombre d’entre nous, les bois et les forêts sont devenus un arrière fond. Ce ne sont plus des lieux qui nous ont vus grandir ni ceux où nous élevons nos enfants, mais une réminiscence, au mieux un appel fantasmatique, un projet pour après la retraite, paysages où, de temps en temps, les week-ends on va faire un tour.

Nulle envie ici de prôner un retour aux sources, encore moins de dire « qu’avant c’était mieux », mais de constater, du moins pour ce qui me concerne, combien l’élévation, la méditation, la rêverie, tout cela qui exige effort des sens, dépassement, patience, ne passe plus par cette contemplation de la nature si chère à Novalis. Nous inventons de moins en moins nos vies tant la complexité de leur organisation et leur déploiement dans la grille du temps nous

Sans plus d’espace pour rêver, pour flâner, pour méditer, pour penser, nous sommes aliénés à une administration perpétuelle. Même nos enfants sont devenus des objets à organiser, quadrature du cercle des familles monoparentales. Et nous savons y faire. Nous sommes devenus experts, des

rompus à ces manoeuvres incessantes, où périodes de travail succèdent aux vacances. De Pâques à l’été, des ponts de mai à la Toussaint, toute délicatesse calendaire trouve toujours sa résolution dans l’engrenage gestionnaire et parfois même deux ans à l’avance. Chutant ainsi d’un calendrier à un autre, nous sommes prisonniers d’une rhétorique qui n’a de cesse de nous projeter vers le futur. Qui parmi nous saurait affirmer vivre au présent de sa vie ? Ce présent qui signifie être simplement là, sans souci du lendemain, sans connaissance du lendemain, dans l’indifférence du lendemain ? Tout entier rivés à notre organisation, nous ne savons plus ni ce que nous ressentons ni ce que nous éprouvons. Nous ne sommes que très rarement dans l’instant, si souvent absents à nous-mêmes. Des professionnels de

impassibles au milieu de la foule compacte des RER immobilisés aux quais des stations pour cause de régulation, d’incident voyageur, de grève ou de colis suspect. Et nous ne disons rien, nous prenons sur nous, nous respirons lentement, tant nous avons intégré combien il est inutile de paniquer, combien il est peu productif de nous énerver, ridicule de nous révolter. Nous savons que, quoi qu’il en soit de nos états de fébrilité, la mécanique et l’organisation de cette mécanique seront toujours les plus fortes, auront le dernier mot. Et qu’importent les messages enregistrés pour nous remercier de notre

Au bout du compte nous nous retrouvons à nouveau embourbés dans le cambouis de ce roulement qui, au fil des jours, vide de son sens la conjugaison du verbe vivre.
Et cette impassibilité, cette impossibilité à agir font de nous des proies déréglées dans leur instinct de survie, des proies paradoxales. Contrairement à l’antilope qui jette toute sa puissance dans sa course pour fuir son prédateur, nous, au contraire, nous fuyons en courant vers ce qui nous dévore, médias, réseaux sociaux, achats en ligne, numérisation de nos données, détérioration du monde, Excellisation névrotique de nos vies, et toujours le béton. Dès lors, tout en regimbant, tout en nous plaignant contre elle, aux portails de nos camps de travail nouveau genre, nous forgeons chaque jour cette sentence à laquelle nous ne croyons pas mais que nous déifions du matin jusqu’au soir : « La consommation rend libre ».

Pour autant, dans ce monde si hermétique, esclave de ses cadres, consommer ne semble plus suffire pour calmer ou apaiser ce 

en nous qui supporte et se tait. Serait-ce le besoin d’expurger les frustrations qui nous dévorent
qui a fait surgir une forme inattendue de puritanisme ?
Un puritanisme camouflé qui, sans dire son nom, nous serine à chaque pas :

« Tu es un homme de principe, tu es un homme droit, un féministe, pour l’égalité, pour la pluralité, tu es un être libre, ouvert d’esprit, tu manges bio, tu vas au théâtre, tu recycles, tu aimes les œuvres contemporaines mais tu t’intéresses aussi aux classes populaires (d’ailleurs ton grand-père était marbrier en usine), tu es pour l’écologie et pour la planète, tu trouves que le gouvernement américain est horrible, tu es pour le peuple palestinien, tu es pour tout ce qui est juste, tu n’es pas antisémite mais tu es contre la politique du gouvernement israélien, tu es pour tout ce qui est bon, tu es laïque, tu manifestes quand il le faut, tu votes à gauche, tu es pour les commémorations, pour les réfugiés, pour les Syriens, contre le président turc et ton opinion envers la personnalité du président Russe est affirmée. Bref, tu es un être qui n’est esclave d’aucune morale, tu n’es pas puritain ni rétrograde, tu es quelqu’un à qui on ne la fait pas ».

Une chanson douce et agréable mais qui cache un tabou : ce 

humilié, impatient, exige régulièrement le sacrifice d’un coupable.
Un coupable en mesure d’assouvir cette conviction que nous avons d’être nous-mêmes victimes, un sacrifice capable de répondre au sentiment d’injustice qui nous habite.
Harcèlement, agression, corruption, gare à qui, aujourd’hui, commet

car alors, ce ça caché, ce ça enfoui sous le tapis des morales, enfoncé au fond des armoires des désirs inexprimés, ce ça refoulé, qui n’en peut plus de cet esclavage auquel il se soumet, ce ça-là ressurgit avec une violence d’autant plus puissante qu’il prend la forme d’une indignation vertueuse.

n’est audible, plus rien n’est possible. Ce n’est pas un déluge, c’est la nuée de sauterelles contre laquelle il est inutile de lever son mouchoir. Il faut se baisser et attendre. Attendre que soit dévoré le coupable désigné. La violence est inouïe, d’autant plus effrayante que celui-ci n’a pas droit de parole, ni lui, ni ses enfants, ni les enfants de ses enfants. Il ne lui reste qu’à tenir son rôle. Être dans la géhenne. La foule invisible refuse d’entendre et lynche avec la même violence qu’elle prétend dénoncer. Et rien, rien qui puisse faire entendre raison. Jusqu’à l’hallali. Si l’élévation consiste à dépasser nos abîmes, le confort de nos villes ne semble pas d’une grande aide lorsque nos morales sont remises en jeu.
Arrivé à ce point de la réflexion, on pourrait s’attendre à voir s’écrire la phrase suivante : face à cette violence et dans l’absence de la nature, l’art se pose en rempart et là où il n’est plus possible de contempler un arbre depuis le centre d’une clairière, il est possible de contempler un tableau depuis le banc posé au centre d’une salle d’exposition. Oui. Mais ce serait se tromper grandement sur la nature de l’art et sur la férocité de la violence de ces morales. Quelle oeuvre d’art saurait nous défendre contre la violence dont nous sommes capables ? Face au danger que représente cette violence, seuls peuvent se dresser comme remparts la justice et la loi à laquelle cette justice s’adosse. Dans le choix démocratique, il ne peut y avoir d’autre solution que ces lois et les institutions judiciaires qui les appliquent. Aussi imparfaites soient-elles, elles tracent des lignes claires.

La peine de mort est abolie en France. Le droit à l’interruption de grossesse existe, le mariage pour tous existe. Ces lois ne font pas l’unanimité, elles soulèvent des oppositions morales brutales et c’est précisément parce qu’elles ne font pas l’unanimité que leur existence est cruciale. Là où nous ne parvenons pas à nous entendre, la justice impose une seule et même loi pour tous. Que cela nous plaise
ou non.

sauve nos démocraties. La morale, la religion, la culture, ne sauraient justifier que l’on viole la loi. Cela nous ferait basculer irrémédiablement dans

de la vengeance. Tuer un coupable reconnu de meurtre parce que l’on ne saurait imaginer qu’après son crime il puisse continuer à vivre, quand bien même il aurait purgé sa peine, ou, pour des raisons religieuses empêcher une femme d’interrompre sa grossesse, sont aujourd’hui des gestes que la loi interdit. C’est insupportable à entendre pour une société de plus en plus aliénée à son identification avec la victime mais sans cette impartialité que nous offre la justice, notre monde dépourvu de spiritualité, éloigné de la nature, sombrerait aussitôt dans

des guerres civiles où la justice appartiendrait aux plus forts. De tout temps il a toujours été plus simple pour les humains de se venger. Aujourd’hui plus encore qu’hier grâce à la puissance des médias et des réseaux sociaux qui ont su si bien remplacer prêtres, imams, rabbins, en nous disant, chaque matin, que penser, qui accuser et qui sacrifier.
Comment, après tout cela, situer un théâtre national voué aux écritures contemporaines ? Sinon en cherchant à échapper au rôle de juge que cette moralisation veut imposer. Car si, en tant que directeur, je ploie devant cette pression, comment faire entendre que le rôle de l’auteur consiste précisément à placer le spectateur en flagrant délit d’empathie envers le coupable autant qu’envers la victime ? D’une manière ou d’une autre, la plupart des pièces interroge la question du mal en mettant en scène un sacrifié, un condamné, un méchant. C’est la fonction du théâtre depuis les tragédies grecques. Comment alors jouer et défendre ces personnages ? Comment jouer Créon, Les Bonnes ou Zucco sans les comprendre et les aimer ? Mettre un coupable sur scène c’est forcément se rapprocher de lui. C’est approfondir notre perception de lui et se dire que ce LUI pourrait être MOI.

Sortant du théâtre, si l’on a cru et pris part à ce que l’on a vu et entendu, comment retourner à la morale du lendemain et exiger le lynchage du premier coupable offert sur le plateau médiatique ? Comment relier ce qui est vécu face à l’oeuvre d’art à la transformation que cette expérience opère dans la vie de tous les jours ? Comment ne pas être

entre le réel qui surgit de la poésie des écritures et la réalité du quotidien ? Comment réenchanter la relation entre art et vie ? Comment croire vraiment à la puissance de l’art ?

Wajdi Mouawad