Équinoxes et solstices 2019
Ce sont de vains, de maladroits conseils que je t’adresse. Personne ne saurait les suivre. Mais je ne voulais pas autre chose : qu’écrire à propos de cet art un poème dont la chaleur montera à tes joues. Il s’agissait de t’enflammer, non de t’enseigner.
Jean Genet, Le Funambule, 1983
C’était un désir ancien que de libérer la programmation d’un théâtre de création du cadre scolaire dans lequel le terme saison l’enfermait, pour le décaler à contretemps du rythme de l’école. En cette époque où les États sont soumis à l’injonction des pensées libérales, la tentation est grande de vouloir confondre la culture et l’éducation et de transformer l’artiste en enseignant suppléant ou en animateur social, alors que, pour reprendre la pensée de Genet, son rôle consiste à mettre le feu aux certitudes, défaire ce qui est pensé en nous par les autres pour le repenser par soi-même ; et si la richesse d’une société consiste en une conjugaison entre éducation et création, le rôle de l’art consiste à affirmer la puissance des mystères, tout comme celui de l’enseignement consiste à affirmer la transmission des savoirs. L’un ne peut se substituer à l’autre, tant l’un complète l’autre.
Ainsi, abandonnant la programmation saisonnière, à cheval sur deux années et synchronisée avec le calendrier scolaire, nous allons glisser librement vers une programmation annuelle qui débutera en janvier pour s’achever en décembre.
Le froid aiguise l’esprit. Dans les rues sombres et humides de nos villes, les courants d’air cherchent par tous les moyens à nous détourner de nos plongées intérieures.
Se penchant au-dedans, on y trouve la neige noire des regrets. L’hiver, temps clos d’où naît l’atome compact de ce qui ne trouve pas les mots. C’est le territoire de Méduse dont les hurlements donnent forme à la fixité des arbres autant qu’à l’éternité des angoisses qui nous tordent. Pierres pour l’éternité. Restent alors, comme ritournelle, les fragments des poésies qui remontent à la surface. Et dans le métro, au contrôleur qui exige de nous notre titre de transport, on lui tend en retour ces vers d’un poète jeune, mort au front, un jour d’hiver :
L’âme bleue s’est refermée muette,
Par la fenêtre ouverte descend la forêt brune
Georg Trakl, Mélancolie
GRAND THEATRE
The Scarlet Letter Angélica Liddell
spectacle en espagnol surtitré en français
Kafka sur le rivage Haruki Murakami – Yukio Ninagawa
spectacle en japonais surtitré en français
PETIT THEATRE
Insoutenables longues étreintes Ivan Viripaev – Galin Stoev
Ne leur parlez pas du printemps, ne leur parlez pas du parfum des fleurs ni du retour de la lumière ! Eux, ils ont trop avalé vos Groenlands, trop avalé vos baleines et les phoques éventrés pour croire encore à l’innocence de la saison nouvelle.
Ils ont dans la bouche le goût amer des trahisons et des renoncements raisonnables.
Il ne faudra pas s’étonner si, pleins de bonnes intentions vous vous risquez à leur donner la parole, qu’ils soient pris de l’envie soudaine de vous cracher dessus et de brûler le ciel.
On les dirait atteints de la rage, cherchant un vaste étang pour apaiser leur soif. Leurs hurlements prolongés épouvantent la nature. Malheur au voyageur attardé !
Les chiens se jetteront sur lui.
Lautréamont, Les Chants de Maldoror, chant 1
Colloque jeunesse
Pour cette deuxième édition, une carte blanche est offerte à la jeunesse le temps d’une journée où tout est à inventer. Colloque qui n’a de colloque que le nom.
Libre aux jeunes qui le désirent de se manifester pour cette grande rencontre ouverte à tous. C’est l’occasion de donner libre voix à des paroles inédites pour qu’une génération puisse s’adresser aux autres et nommer ce que l’on ne comprend pas d’elle, affirmant ses mystères par les mots, les sons, les images et les corps.
GRAND THEATRE
Qui a tué mon père Édouard Louis – Stanislas Nordey création
Fauves Wajdi Mouawad création
PETIT THEATRE
Fêlures Le Silence des hommes D’ de Kabal création
Vues Lumière Isabelle Lafon création
L’été ! Couteau ! C’est l’hirondelle vieille ! Elle est passée ! Poignard égorgeant le bleu ! Les morts sortent de leurs tombes et récitent les poèmes de leur vie délirée. Il faut parfois avoir le courage de ses os, et marcher sans crier gare et prendre dans le silex de sa voix les fragments de quelques paroles.
L’été ! Et le soleil émiette sa course ; chaque jour moins rond, chaque jour plus furieux. On compte les heures qui restent. L’ombre coûte cher. Fuir le goudron n’est pas donné à tous ! Il faut s’en souvenir :
La clairière est un centre où l’on ne peut pas toujours pénétrer : de la lisière, on la regarde, et l’apparition de quelques traces d’animaux n’aide guère à franchir ce pas. C’est un autre royaume qu’une âme habite et garde.
Maria Zambrano, Les Clairières du bois
À la vie, à la mort !
Chaque dimanche de la Saint-Jean, La Colline sort de ses murs pour un événement festif, en plein air, aux portes du cimetière du Père-Lachaise.
À l’invitation de Wajdi Mouawad, acteurs, musiciens, chanteurs, danseurs, habitants du quartier et d’ailleurs rendent hommage aux talents illustres
et anonymes qui reposent au cimetière voisin.
Rendez-vous cette année le 23 juin dès 16 h
L’automne et ses couleurs passées ne changent rien. Le jaguar noir à la fourrure à peine tachetée tourne en rond dans sa cage vitrée du zoo de Vincennes. On lui a donné un nom mais lui s’en fiche. Il va et vient, fauve, toujours dans le manque instinctif de sa vie sauvage. L’automne et ses teintes chaudes n’empêchent aucune noyade dans les golfes et les détroits. La mer Méditerranée pleure chaque jour dans l’indifférence des mouettes. Personne n’est revenu de la mort pour témoigner. On ne saura jamais s’il est plus douloureux de mourir par beau ou mauvais temps. Pour tous ceux qui sont forcés de vivre sous terre, enterrés vivants, il y a encore la mémoire de deux ou trois mots qui vibrent sous la peau du tambour. Peau sanglante, peau ensanglantée, sang des animaux sacrifiés, sang rouge noir carmin saignant, les couleurs chaudes qui ravissent les passants et les promeneurs dans les parcs parisiens et
Qui
si je crie
pour m’entendre ?
Quel ange parmi les anges ?
Et même s’il en trouvait un pour soudain
me prendre contre son coeur ?
Rainer Maria Rilke, Élégies de Duino
GRAND THEATRE
L’Animal parlant entrée perpétuelle Valère Novarina création
Mort prématurée d’un chanteur populaire dans la force de l’âge Arthur H et Wajdi Mouawad création
PETIT THEATRE
Data Mossoul Joséphine Serre création
Points de non-retour [Quais de Seine] Alexandra Badea création
Fable pour un adieu Emma Dante création jeune public