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Équinoxes et solstices
Ce sont de vains, de maladroits conseils que je t’adresse. Personne ne saurait les suivre. Mais je ne voulais pas autre chose : qu’écrire à propos de cet art un poème dont la chaleur montera à tes joues. Il s’agissait de t’enflammer, non de t’enseigner.
Jean Genet, Le Funambule, 1983
C’était un désir ancien que de libérer la programmation d’un théâtre de création du cadre scolaire dans lequel le terme saison l’enfermait, pour le décaler à contretemps du rythme de l’école. En cette époque où les États sont soumis à l’injonction des pensées libérales, la tentation est grande de vouloir confondre la culture et l’éducation et de transformer l’artiste en enseignant suppléant ou en animateur social, alors que, pour reprendre la pensée de Genet, son rôle consiste à mettre le feu aux certitudes, défaire ce qui est pensé en nous par les autres pour le repenser par soi-même ; et si la richesse d’une société consiste en une conjugaison entre éducation et création, le rôle de l’art consiste à affirmer la puissance des mystères, tout comme celui de l’enseignement consiste à affirmer la transmission des savoirs. L’un ne peut se substituer à l’autre, tant l’un complète l’autre.
Ainsi, abandonnant la programmation saisonnière, à cheval sur deux années et synchronisée avec le calendrier scolaire, nous allons glisser librement vers une programmation annuelle qui débutera en janvier pour s’achever en décembre. Or, cette bascule de la saison à l’année impose aujourd’hui une programmation qui devra englober la fin de l’année 2017 et l’année 2018, de janvier jusqu’à décembre.
Le magnifique paradoxe de ce basculement vient de ce que, délaissant la saison, nous retrouverons les saisons et avec elles le lien poétique à la nature, au mouvement du temps, des planètes, du soleil et de sa course. Hiver, printemps, été, automne pour une Colline. Cette cosmologie naturelle sera notre guide tout au long des pages de cet almanach. De l’équinoxe de l’un au solstice de l’autre, pas un printemps, pas un été, pas un automne, pas un hiver ne s’ouvrira sans être l’occasion d’événements, rencontres, échanges, concerts et fêtes à La Colline.
C’est dans cet esprit d’ouverture que nous vous invitons à cheminer avec nous tout au long des prochaines pages pour découvrir, au fil des saisons, les spectacles qui, de septembre 2017 jusqu’à fin décembre 2018, vont faire battre le cœur de La Colline.
Automne 2017
Saison du déclin, de la perte et de la mélancolie, l’automne sied aux écrivains. C’est là une sensation subjective qui a le désir de faire de chaque mois de septembre l’occasion de se rassembler autour d’un auteur majeur de la littérature. Ces rencontres avec un auteur invité marqueront l’arrivée de l’automne et lanceront les spectacles d’octobre à décembre. Elles s’échelonneront sur plusieurs jours. Nous aurons alors l’occasion d’échanger avec le public et de poser un regard sur l’écriture. Elles pourront faire l’objet de captations radiophoniques publiques en collaboration avec France Culture.
automne
Dans les yeux de David Grossman
grand théâtre
Stadium Mohamed El Khatib, Frédéric Hocké
Le Poète aveugle Jan Lauwers
Le Chant de l’oiseau amphibie Wajdi Mouawad
petit théâtre
L’Homme hors de lui Valère Novarina
Les Barbelés Annick Lefebvre – Alexia Bürger
Hiver 2017
De toujours, l’hiver a débuté par la frayeur de voir, à son solstice, la durée du jour continuer à décroître et plonger le monde dans la monstrueuse noirceur du néant, plutôt que de recommencer à augmenter, regagnant peu à peu sur l’obscurité de la nuit. Voilà pourquoi au 24 décembre, toutes les civilisations de l’hémisphère nord célèbrent la lumière, symbole de continuité du monde. Pour accueillir l’hiver, La Colline aux enfants en décembre, à travers des spectacles, des activités et une relation festive au sacré.
hiver
Concert
La Colline a 30 ans !
grand théâtre
Savoir enfin qui nous buvons Sébastien Barrier
Schatten (Eurydike sagt) Elfriede Jelinek – Katie Mitchell
Quills Doug Wright – Robert Lepage, Jean-Pierre Cloutier
petit théâtre
Gus Sébastien Barrier
La Maison Julien Gaillard – Simon Delétang
Dîner en ville Christine Angot – Richard Brunel
Printemps 2018
Il n’existe pas un seul printemps sans la colère du soleil, sans une violente éclosion, manifestation et révolte de la vie. Le printemps n’est pas doux. Il est destruction d’un hiver qui prônait lucidité et calme. En cela il est le signe d’une jeunesse absolue, désirante, désireuse. À elle d’ouvrir le printemps, à elle d’être le printemps, de prendre la parole et de nous parler, de nous apprendre ce que nous ne comprenons pas d’elle. De nous raconter ce à quoi nous sommes sourds. Trois jours de colloque organisés, construits, décidés, modérés par une jeunesse venant de divers mondes : étudiants, actifs travailleurs, exilés, enfants d’exilés… À eux la parole.
printemps
Colloque jeunesse
Concert rock
grand théâtre
Victoires Wajdi Mouawad
À la trace Alexandra Badea – Anne Théron
Je suis un pays et Voilà ce que jamais je ne te dirai Vincent Macaigne
petit théâtre
Au Bois Claudine Galea – Benoît Bradel
Au milieu de l’hiver, j’ai découvert en moi un invincible été Anaïs Allais
Été 2018
À l’exact opposé de l’hiver, ici le solstice ouvre le déclin du jour. À la fin des récoltes et sous la brûlure du soleil, dans l’instant des journées lentes, il y a le retour, constant, de la mémoire de ce qui a été traversé. Cette mémoire, à l’ombre des cyprès, aux abords des mers, dans les longues promenades, fait ressurgir ce qui, au cours des mois précédents, a été réalisé. C’est l’été et sa morsure du midi qui obligent aux abris. Là, souvent, la pensée de ceux qui sont partis, nos morts, nous prend aux détours des beautés. Lumière, lumière et manque de ceux-là qui ne sont plus. Voilà pourquoi, dans la conscience que La Colline est à côté du cimetière du Père-Lachaise, dans ce dialogue entre mort et création, la parole des morts sera notre manière d’accueillir le grand et fabuleux été. Une soirée consacrée aux morts du Père-Lachaise, connus et inconnus, dont les vivants auront pour bonheur de nous faire entendre les écrits et les chants.
été
À la vie, à la mort !
Automne 2018
Équinoxe de l’automne, instant, col, passage entre deux versants, c’est le moment où le jour et la nuit d’égal à égale se regardent en face, en miroir avec l’équinoxe du printemps, son exact opposé. Si celui-ci grimpe vers l’éclat des jours les plus longs, le versant de l’automne conduit à la noirceur, comme l’auteur va vers les méandres de l’écriture. La lumière aussi peut devenir dictature, comme lorsque celle-ci, ne supportant aucun mystère, aucun secret, scrute, surveille, craint, la moindre pensée libre à l’ombre de l’esprit. La lumière peut chercher à écraser l’ombre. L’ombre de l’automne, son obscurité, comme espace de résistance, de secret, de mystère, mais aussi comme lieu de solitude, comme après les chutes et les échecs. Il faut bien affronter les défaites, pour savoir si nous sommes capables de nous relever. Sans ce courage, il ne peut y avoir de promesse.
automne
Dans les yeux de…
grand théâtre
Révélation Léonora Miano – Satoshi Miyagi
Mort prématurée d’un chanteur populaire dans la force de l’âge Wajdi Mouawad
petit théâtre
Points de non-retour Alexandra Badea
Uso umano di esseri umani Romeo Castellucci